Christophe Lemaitre, vous parrainez l’opération athlé-santé qui se poursuit jusqu’en juillet prochain. À travers un message vidéo, vous lancez même aux enfants un défi à se « bouger » pendant les récréations (1). Ce « défi » peut-il se comparer aux exercices d’entraînement d’un champion ?
Quel qu’il soit, un entraînement reste un entraînement : on s’efforce de le faire du mieux possible. Mais la comparaison s’arrête là. Quand on est un enfant, on ne recherche pas la performance comme le fait un athlète de haut niveau. On est davantage dans le jeu, le ludique, surtout dans le cadre du sport scolaire. C’est, me semble-t-il, l’esprit de ce « défi-récré ».
Vous-même, enfant, bougiez-vous beaucoup pendant les récrés ?
Autant que je me souvienne, je faisais toujours de petits jeux.
Faisiez-vous aussi du sport à l’école ?
Avec l’école, je me souviens de sorties au ski, le mercredi ou le samedi, je ne sais plus très bien. Ensuite, j’ai fait beaucoup d’UNSS au collège : des sports collectifs, et aussi du badminton, du tennis de table…
Comment êtes-vous venu à l’athlétisme ?
J’ai commencé très tard, à 15 ans, après avoir participé à une fête du sport à Belley (Ain), à une quinzaine de kilomètres du village de Culoz, où j’habitais. Mes camarades à la récré, les professeurs qui me faisaient passer des épreuves d’EPS ou mes entraineurs de handball, de foot ou de rugby – les trois sports collectifs que j’avais pratiqué jusqu’alors – me disaient tous que je courais vite. Là, j’ai fait un test sur un 50 m couru sur une allée en gravillons, et au vu de mon chrono on m’a aussitôt proposé de pratiquer en club. Et la semaine suivante je remportais mon premier 100 m en compétition officielle !
En quoi l’athlétisme, et plus particulièrement le sprint, vous a-t-il permis d’exprimer votre personnalité ?
Je dirais plutôt qu’il m’a permis de m’ouvrir aux autres. Cela peut sembler paradoxal, car dans une épreuve individuelle tu ne cours que pour toi, alors que dans un sport collectif on est interdépendant avec ses coéquipiers. Mais j’étais fait pour le sprint. Partout je me faisais remarquer par ma vitesse, et là je pouvais enfin exprimer pleinement cette aptitude. Mieux : elle était reconnue par les autres alors qu’auparavant ma singularité avait du mal à s’intégrer dans un collectif.
Plus jeune, en raison de votre très grande timidité, vous étiez parfois moqué par vos camarades de classe. Les enfants qui écouteront votre message auront du mal à la croire, mais en cours de sport, vous étiez souvent choisi dans les derniers au moment de former les équipes… Avec le recul, que diriez-vous à un enfant de dix ans mis à l’écart par les autres ou victime de commentaires blessants ?
Je lui dirais tout simplement de toujours croire en lui, en ses capacités, et qu’un jour il pourra révéler celles-ci.
Et à ceux qui se moquent de cet enfant ?
Qu’ils réfléchissent à la portée de leurs paroles, de leurs actes, On peut se moquer par méchanceté, par jalousie, ou pour imiter les autres. C’est compliqué, parce que les enfants ne se rendent pas compte de la façon dont ces moqueries peuvent être ressenties. Alors faites attention, et mettez-vous un instant à la place de l’autre.
Lorsque vous arrêterez votre carrière, avez-vous une idée de ce que sera votre pratique sportive ?
Pour être honnête, pas du tout. Je resterais bien dans le milieu de l’athlétisme. Ce sport m’a tellement apporté que j’ai envie de donner aux autres : aux jeunes surtout. Pas tant en me tournant vers les jeunes enfants à qui je m’adresse aujourd’hui à travers cette vidéo que vers les jeunes athlètes des catégories cadets ou juniors, afin de les aider à progresser vers le haut niveau.
Mais vous, vous courrez encore ?
Oui, ne serait-ce que pour m’entretenir, rester en forme. De toute façon, après s’être entraîné dur pendant des années, cela me semble difficile d’arrêter complètement. Même si à la fin de ma carrière je prends une année sabbatique, ensuite je reprendrai.
Un champion s’entraîne tellement qu’il lui arrive de se blesser. Comment savoir où mettre le curseur pour est éviter cette blessure ?
Il faut savoir écouter son corps, être attentif au moindre petit pépin physique, être capable de lever le pied pour ne pas se blesser. Au début de ma carrière, même quand j’avais mal, je m’entraînais quand même à fond, et c’était une grave erreur.
Propos recueillis par Philippe Brenot
(1) L’enregistrement a été réalisé vendredi 31 mars avec les enfants de l’école publique Saint-Simond d’Aix-les-Bains. (Savoie)
Sauter en croix avec Christophe Lemaitre: le doc péda