Jean-Louis Droin, avez-vous connu le sport scolaire comme écolier ?
Non, enfant je n’ai pas connu l’Usep, ni même vraiment fait d’EPS dans mon école de Villeneuve-sur-Yonne, où j’ai suivi les cours complémentaires jusqu’au brevet. Notre principale activité physique consistait à aller puis revenir du stade, situé à deux bons kilomètres. Je n’étais pas non plus très sportif et n’aimais pas le foot, au grand dam de mon père ! L’activité sportive, je l’ai découverte après mon entrée à l’école normale d’instituteurs, dont j’avais passé le concours après la 3e, parallèlement à celui de la SNCF, que j’ai également réussi d’ailleurs : mais j’avais depuis toujours la vocation d’enseigner…
Et après ?
En fin de première année d’école normale, classe de seconde, en juin 1964 précisément, nous avons participé – garçons et filles ensemble, étonnant pour l’époque ! – à un stage de pleine nature, sous tente. J’ai pratiqué le canoë et découvert l’escalade. Mon goût pour les sports de nature s’y est affirmé, et durant l’été je suis revenu dans ce centre de vacances de la Ligue de l’enseignement en tant qu’animateur. Je suis ensuite devenu un fervent amateur de montagne, d’escalade, de ski de randonnée…
Et l’Usep, comment l’avez-vous ensuite rencontrée ?
J’ai été nommé à la rentrée 1967 dans le village de Fleurigny, dans une école à classe unique, avec 18 élèves. Isolé, j’ai vite sympathisé avec le couple d’instituteurs d’une école voisine : elle avait été mon enseignante en 5e, et lui était très impliqué dans la recherche pédagogique. Il est même devenu ensuite CPC puis CPD EPS (1). Il m’a embringué là-dedans, et j’ai pris ma première licence Usep.
Quelles activités pratiquait-on à l’Usep à l’époque ?
À l’école normale, j’avais participé aux lendits Usep. Puis, en octobre 1968, j’ai suivi mon premier stage départemental Usep, principalement dédié à la diffusion de ces enchainements chorégraphiés, qui étaient différents chaque année. Mais Mai 68 était passé par là, et nous étions plusieurs jeunes enseignants à boycotter des exercices qui, à nos yeux, n’étaient que des bachotages fastidieux et ringards… Il se trouve que, l’année suivante, une circulaire a institué le tiers temps pédagogique, avec six heures hebdomadaires d’EPS ! Cela a hâté la fin de la leçon d’éducation physique des lendits (2). À la place, je me suis retrouvé à animer des stages pour mes collègues, en particulier des ateliers de lancer en athlétisme, et aussi de rugby, que je pratiquais désormais sous l’influence de mon collègue et voisin, qui avait monté une équipe. Et, bien sûr, j’emmenais aux rencontres Usep mes élèves de Fleurigny puis d’Étigny, près de Sens, où j’avais été nommé avec mon épouse et où nous avons effectué tout le reste de notre carrière.
Vous y avez développé l’Usep ?
À Étigny, j’ai créé l’Usep et, en lien avec mon collègue devenu CPC puis CPD, je menais des expérimentations pédagogiques. Avec un autre collègue, nous nous sommes par exemple inspirés par la ronde cyclotouriste du Val-d’Oise pour imaginer un parcours pour nos deux classes : à l’époque, le P’tit Tour n’existait pas… J’ai acquis du matériel, avec le soutien de la mairie – j’ai ensuite été conseiller municipal de 1989 à 2014 et même maire-adjoint. J’ai aussi fabriqué avec mes élèves du matériel artisanal, comme des haies, que je prêtais aussi aux écoles alentour. Ainsi s’est créé sur le secteur tout un réseau Usep.
Quand avez-vous pris des fonctions dirigeantes ?
J’ai pris peu à peu des responsabilités départementales. Mais dans l’Yonne la vie statutaire ne s’est vraiment structurée que dans les années 1990, avec l’arrivée de Lionel Thomas au poste de délégué. Puis, quand Lionel a été nommé permanent à Paris, il m’a encouragé dans l’idée de me présenter en 2000 au comité directeur national. J’étais à trois ans de la retraite, et j’y ai vu l’occasion de prolonger mon engagement à l’Usep.
En quoi l’Usep a-t-elle changé durant les seize ans de votre mandat national ?
Quand j’ai été élu, c’était encore l’Ufolep-Usep, et j’ai vite compris qu’il fallait que l’Usep prenne son autonomie, tant nos problématiques étaient différentes. J’ai vécu cet engagement national comme une expérience passionnante et très enrichissante : les rencontres, la réflexion, le débat. Cela m’a ouvert sur la vision politique des choses : ne pas agir seulement avec une vision à court terme, mais en regardant beaucoup plus loin. Je suis heureux d’avoir vécu ça.
Vous ne vous représentez pas pour un nouveau mandat. En revanche, vous allez recevoir une médaille numérotée… (3)
Franchement, je n’ai jamais aimé ça, et jusqu’à présent j’ai toujours décliné ce genre d’honneur : pour moi, la récompense, c’est de vivre les choses. Le paradoxe est que, en tant que secrétaire général, j’étais responsable de ces remises de médailles. Or il se trouve que, profitant de mon retard fortuit à notre réunion d’octobre dernier, la commission nationale vie sportive a décidé de proposer mon nom. J’aurais refusé si je m’étais représenté au comité directeur. Mais comme je ne serai plus élu lorsque je la recevrai, j’ai dit : « Allez d’accord… » Ce sera une conclusion.
Propos recueillis par Philippe Brenot
(1) CPC/CPD : conseiller pédagogique de circonscription/départemental en éducation physique et sportive
(2) Voir En Jeu n°402, novembre 2006, pages 24-27 : « La fin des lendits Usep », par Jean-Louis Droin.
(3) Madeleine Meunier, également membre du comité directeur national, et qui pour sa part se représente, en recevra également une.
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