Atelier technique avec une classe Usep, Clairefontaine, 2015. (Usep en jeu)

Le regard d'une IA-IPR honoraire

Michèle Chevalier, en tant qu’IA-IPR honoraire*, quel jugement portez-vous sur les ambitions éducatives d’une opération telle que Mon Euro 2016 ?

D'abord, je souhaiterais rappeler que le football est le sport collectif qui rassemble le plus de licenciés, le plus de jeunes joueurs, le plus de supporters et de téléspectateurs. Donc on ne peut pas faire l'impasse sur sa programmation à l'école, et sur sa mise en débat.

Pourquoi ? Parce que la seule façon d'agir sur une activité est de la pratiquer en ne perdant aucun point de vue, à savoir que le foot, comme n'importe quelle autre activité physique et sportive est un support, un prétexte pour viser des compétences de nature différente, générales, spécifiques, sociales et comportementales, c'est à dire éducatives. Beaucoup d'enseignants, très critiques envers le football, font confusion entre les dérives souvent insupportables de sa professionnalisation et une pratique ludique, amateur, qui dispense des valeurs... et « des valeurs qui s'enseignent », pour reprendre un slogan ancien.

Or, en tant qu’événement, l'Euro 2016 est le prétexte à mettre en lumière ce que je viens de dire. Nous avions par le passé, avec le « football des princesses », porté un projet ambitieux du point de vue pédagogique, avec des séquences d'apprentissage, des projets culturels, des réflexions. L'ambition éducative des projets « Mon Euro 2016 » est certaine. S'adresser à la mixité de la classe en toute égalité d'accès pour les filles et garçons, lutter contre tous les stéréotypes, faire vivre aux élèves tous les rôles, joueur, coach, arbitre, supporter... Ce sont là autant de séquences durant lesquelles les enfants ont la possibilité d'apprendre et de transformer des représentations culturelles, à la condition de mettre en œuvre l'essentiel : le plaisir collectif du jeu.

*IA-IPR : Inspectrice d’académie-Inspectrice pédagogique régionale. Michèle Chevalier est également membre de la commission « football en milieu scolaire et universitaire » de la FFF.

En 2015, la classe lauréate de Villeneuve-le-Roi avait rencontré l'équipe de France féminine, en pleine préparation de la Coupe du monde. (DR)

Rendez-vous en 2019, ou avant ?

Après l’Euro masculin cette année, la France accueillera en 2019 la Coupe du monde féminine. On peut imaginer que l’événement donnera lieu à une opération d’accompagnement. Mais pourquoi se limiter à l’accompagnement des grandes compétitions ? L’Éducation nationale, la FFF et l’Usep, qui souhaitent tout trois que le football ait toute sa place à l’école, réfléchissent ainsi à pérenniser une action annuelle. Quel nom donner à cette action ? Faut-il la réserver au cycle 3 ou l’ouvrir aux plus jeunes ? Quel projet culturel innovant pourrait-il l’accompagner ? La réflexion est en cours. F.P.

Retour En avant

Au-delà des dérives et des clichés

Une autre vision du football

De Scolafoot en 1998 à Mon Euro 2016, l’Usep encourage la pratique d’un sport d’équipe propice au travail des valeurs de respect et de solidarité.

Il y a près de vingt ans, l’Usep avait participé à l’opération « Scolafoot » initiée à l’occasion du Mondial 1998 en France. Dans le même esprit, notre fédération s’est associée à « Mon Euro 2016 », qui a mobilisé durant deux ans des milliers de classes du premier degré. Toujours avec le souci de proposer un autre regard sur ce sport, si populaire que les enseignants le jugent parfois envahissant, jusqu’à estimer pour certains que « le foot n’a rien à faire à l’école » (1).

Faut-il pour autant s’arrêter à l’omniprésence médiatique du ballon rond ? Une omniprésence qui peut conduire à ne plus voir ce jeu qu’à travers l’indécence des sommes d’argent qu’il draine, la corruption des hiérarques de la Fifa chargés de l’administrer, les comportements déplacés de quelques joueurs vedettes ou les débordements violents de groupes de supporters…

Fidèle à sa mission éducative, l’Usep ne méconnait pas les critiques qui visent l’environnement du football mais entend justement les dépasser pour rappeler qu’il s’agit avant tout d’un sport. Et, qui plus est, un sport d’équipe invitant par nature à la rencontre et à la coopération entre partenaires, et susceptible en cela de porter les valeurs de respect et de solidarité. Et puis, on ne peut non plus vouloir ignorer un jeu si présent dans la culture sportive ! Aussi l’Usep se trouve-t-elle dans son rôle en contribuant à montrer une autre facette du football et en valorisant sa dimension éducative, pour et avec les enfants des écoles.

Volet culturel

Créée en partenariat avec la FFF et alors présentée comme la « Coupe du monde des écoliers », l’opération nationale Scolafoot avait elle aussi été menée sur deux années scolaires, de 1996 à 1998. Elle avait alors permis d’ajouter une dimension culturelle à l’accompagnement d’un évènement sportif majeur. En effet, le cahier des charges proposait aux classes de développer un projet alliant la recherche « géographique » sur les pays participants à un travail autour des valeurs du sport, l’une et l’autre devant se concrétiser à travers une production plastique soumise ensuite au choix d’un jury.

De nombreux-ses enseignant-e-s très attaché-e-s à transversalité dans leur enseignement s’étaient lancés dans ce projet qui leur donnait l’occasion de lier l’EPS à d’autres disciplines. Durant ces années, le football a également été davantage pratiqué à l’Usep et d’innombrables rencontres Scolafoot ont eu lieu sur l’ensemble du territoire. De nombreux comités Usep ont même conservé l’appellation « Scolafoot » pour nommer leurs actions autour du ballon rond.

La « victoire » de 98 passée, les relations de l’Usep avec la FFF ont été moins suivies. La pratique du football à l’école a probablement stagné, l’argument principal des professeurs des écoles restant : « À quoi cela sert-il de faire du football puisque de toutes façons ils y jouent tout le temps ? » (1).

Du Foot des Princesses à Mon Euro 2016

Le contact a été renoué en 2011 à l’occasion de l’opération « Le Football des Princesses » menée par la FFF en lien avec l’Éducation nationale à l’occasion des belles prestations des Françaises lors de la Coupe du monde puis des Jeux olympiques de 2012. Le choix de cette appellation nous laissait prévoir quelques polémiques et difficultés au sein de notre réseau Usep très attaché à la mixité. Ces rejets ou incompréhensions ont nécessité de nombreuses explicitations autour de la référence à l’équipe de France féminine.

Deux années de suite, les classes Usep lauréates du volet culturel de l’opération – qui consistait en une production autour des « valeurs » – ont pu rencontrer l’équipe de France féminine à Clairefontaine ou assister à l’un de ses matchs. Le partenariat avec la FFF s’était également traduit par la co-production du document pédagogique d’accompagnement de l’opération. Puis, dans la perspective de l’Euro 2016, ces relations se sont poursuivies à travers la participation de l’Usep à la commission « football en milieu scolaire et universitaire » de la FFF. C’est donc dans ce cadre qu’a été imaginée l’opération « Mon euro 2016 », à laquelle ont officiellement participé 2000 classes Usep issues de tous les départements, outre-mer comprise (2).

Françoise Petit, vice-présidente de l’Usep, membre de la commission « football en milieu scolaire et universitaire » de la FFF

(1) Commentaires mis en exergue dans le hors-série consacré au football en mai 2014 par la revue Contrepied éditée par le Syndicat national de de l’éducation physique (Snep). (2) L’extraction réalisée en février 2016 mentionnait précisément 1996 classes Usep sur 5594 classes des écoles publiques, mais on attendait encore quelques inscriptions de classes d’outre-mer.

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