À la fin de « La grande aventure du vivre ensemble », l’ouvrage que l’Usep vient d’éditer à partir d'écrits et de dessins d'enfants adressés par ses différents comités, on trouve un texte rédigé par des écoliers de Guadeloupe. À la question « C’est quoi la laïcité ? » posée par la maîtresse, ils ont répondu : « La laïcité, c’est développer sa citoyenneté, c’est accepter la diversité, c’est respecter les libertés, c’est combattre les inégalités, c’est tolérer les autres pensées, c’est favoriser la mixité, c’est encourager la solidarité, toutes ces valeurs au service d’une seule humanité. Tous les élèves se sont alors dressés et, d’une même voix, ils ont crié vive la laïcité !!! » Tout est dit ? Sans doute à peu près ! Et ne serait-ce pas dans l’expression « une seule humanité » que la force du présent propos est la plus explicite ?
Sport, association, pédagogie
Parler, faire référence à une seule humanité, qui plus est rassemblée, sur la base de l’acceptation et du respect mutuel : voilà bien une ligne directrice des plus prégnantes, cette ligne qui montre l’objectif et plus encore la finalité de l’action entreprise, en l’occurrence ce qui semble, voire ce qui est épars ! Mais s’appuyer sur les fondements que nos illustres pères ont su inventer, définir et faire vivre ne peut suffire et, à chaque temps de vie, les pratiques doivent être sans cesse interrogées, non seulement eu égard à ces dits fondements, mais dans le cadre du contexte du moment, contexte évolutif, qui plus est dans une société dite moderne dans laquelle tout va vite, voire très vite, voire, encore plus, trop vite !
Notre champ sportif a vu se développer au fil des décennies le concept de « rencontre ». D’emblée, sous forme d’un raccourci, c’est vouloir faire se rencontrer la diversité qui est le fil conducteur de l’action. Rencontre et respect, découverte et laïcité : tel pourrait être une forme de slogan accolé à chacun de ces moments dans lesquels SOI et l’AUTRE sont réunis pour jouer, certes, mais aussi avancer et agir, allant jusqu’à grandir ensemble !
Dans le champ associatif, le pari est osé : aller jusqu’à co-construire ! La place de l’Enfant, en tant qu’être à part entière, est assurée, connue et reconnue. Si ses compétences sont à être découvertes, allant jusqu’à les parfaire, l’Enfant vit à plein son caractère d’être social, souche même d’une société qui rime autant avec citoyenneté que Laïcité !
En matière de pédagogie, elle aussi centrée directement et complètement sur l’Enfant, l’approche qui se veut Usépienne s’appuie sur trois piliers : le choix, le respect et l’expression. Choisir, c’est déjà un des premiers pas vers la Liberté, à la condition expresse que ce choix puisse se faire à partir d’une palette de possibles la plus large possible. Respecter, c’est encore et toujours autant faire référence à l’individu pris dans sa diversité que dans son expression pouvant marquer jusqu’à la différence. Enfin, l’expression, c’est simplement, pourrions-nous, dépasser l’idée en la faisant vivre.
La Laïcité est bien là, dans l’idée et l’action !
Le pari de la connaissance
Mais pour que cette dite Laïcité vive à plein, cette Laïcité que nous voulons comme ciment, ferme, solide, il est des conditions que nous faisons nôtres depuis le premier instant de vie de notre mouvement. Je reprends à notre compte ces quelques paroles de Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la Laïcité, paroles prononcées lors du colloque « Laïcité et libertés publiques » organisé le 21 mars dernier à Paris : « L’ennemi principal de la laïcité, c’est l’ignorance et l’intolérance. C’est cela qu’il nous faut combattre collectivement. »
Nous avons là à la fois le but et le moyen : notre tâche essentiellement, fondamentalement éducative, et c’est le collectif qui sera gage de réussite. En effet, si toute notre attention porte sur chacun et chacune des Enfants qui nous sont confiée-e-s, c’est par le groupe, le collectif que nous constituons, que nos valeurs ont à s’exprimer pour permettre à chacun et chacune de progresser au mieux de ses capacités propres. Et nulle mieux que la Laïcité ne peut nous y aider, nous faciliter ce travail d’Éducation. Mais c’est aussi là que réside le danger du moment au travers des évènements tragiques que nous traversons avec grand peine et force difficulté : le groupe, vecteur d’Éducation, porteur des forces et des richesses de la diversité, est susceptible d’être morcelé, voire cassé par un repli, fort compréhensible d’ailleurs, ne serait-ce que par la peur, qui plus est légitime, ambiante.
Persévérer
Il nous faut donc être vigilants, et encore plus, persévérants : vigilants quant à ce danger du repli, source de pauvreté et d’affaiblissement, que les ennemis de la Laïcité n’hésitent en rien à utiliser et entretenir, et persévérants quant à une ligne de laquelle rien ni personne ne doit pouvoir nous faire déroger. La force de l’engagement des militantes et militants qui font vivre l’Usep repose sur cette force laïque, cette force qui guide, qui motive, mais surtout qui rassemble dans l’idée comme dans l’action.
Hier, aujourd’hui comme demain, l’Usep saura vivre comme faire vivre ce que la Laïcité porte dans son essence même : la conviction qu’un monde meilleur est possible, un monde harmonieux et fraternel dans lequel chacun-e vit à plein dans le temps qui lui est donné au meilleur de ses capacités. Il n’est jamais trop tôt pour agir, il est loin d’être trop tard ! Mais ne perdons pas de temps car le monde de demain est déjà en marche. Nos Enfants nous tendent la main, ne leur refusons sous aucun prétexte ces pas qu’ils ont à faire, laïquement parlant cela va sans dire !
Jean-Michel Sautreau, président de l’Usep