Du rapport des députés Pascal Deguilhem et Régis Juanico, on retiendra d’abord le constat préoccupant qu’il dresse du manque d’activité physique de nos enfants et des répercussions sur leur capital-santé : alors qu’un enfant sur deux ne respecte pas les soixante minutes d’activités physiques quotidiennes préconisées par les autorités sanitaires, en quarante ans les collégiens français ont perdu 25% de leur capacité cardiovasculaire. En outre, le décrochage est plus marqué chez les filles et le niveau de pratique plus faible parmi les classes populaires.
Ce rapport nous conforte dans la certitude que la promotion des activités physiques constitue un enjeu majeur de santé, mais aussi de réussite scolaire et de cohésion sociale. Il est plutôt favorable à l’Usep, même si certaines préconisations demandent à être précisées. Surtout, notre fédération peut y trouver des leviers de développement.
L’Usep, opérateur des PEdT ?
Concernant l’école primaire, le rapport pointe la diminution de l’enseignement de l’EPS dans les écoles et l’explique, sur la foi d’un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN), par la réforme des rythmes et une tendance à reléguer cet enseignement aux intervenants des temps périscolaires.
Pour inverser la tendance, le rapport préconise notamment un programme d’aménagement des cours de récréation : l’occasion pour l’Usep de mettre en avant son savoir-faire en matière d’adaptation des activités physiques et sportives aux lieux de proximité. Observant qu’un enfant sur deux ne pratique pas d’activités physiques autres que celles effectuées dans le cadre scolaire, les députés recommandent également la gratuité des activités périscolaires, ce à quoi l’Usep souscrit pleinement.
Le rapport propose par ailleurs de « promouvoir l’Usep comme opérateur des nouvelles activités périscolaires et partie prenante des projets éducatifs de territoire (PEdT) » : une proposition qu’éclaire une enquête de l’Association des maires de France, laquelle souligne les difficultés des petites communes dans l’organisation de ces activités périscolaires.
C’est là une opportunité pour l’Usep de proposer – en synergie avec les autres secteurs de la Ligue de l’enseignement (éducation, culture) – une action coordonnée dans le cadre des PEdT. Ce serait aussi l’occasion de différencier les activités proposées aux enfants selon les différents « temps », pour mieux les articuler entre elles et mettre ainsi en évidence notre expertise pédagogique.
Une AS dans chaque école
Le rapport déplore que l’Usep ne soit pas présente dans toutes les écoles et insiste sur la nécessaire continuité éducative avec le collège, notamment avec un cycle 3 qui réunit désormais CM1, CM2 et 6ème. Il met aussi en évidence le décalage le sport scolaire du second degré (UNSS), plus visible et présent sur tous les territoires grâce aux trois heures forfaitaires inscrites dans le temps de service des professeurs d’EPS pour animer l’AS, et un sport scolaire du premier degré (Usep) qui repose entièrement sur un engagement volontaire.
Or, dans ces conditions, comment permettre une réelle co-construction du cycle 3 ? Comment installer cette concertation quand les uns disposent d’un temps dédié alors que les autres sont en classe devant leurs élèves ?
Mais la préconisation la plus « révolutionnaire » propose de « rendre obligatoire une AS Usep dans chaque école ». Difficile de ne pas souscrire à une telle proposition dans une perspective de développement de l’Usep ! Cependant, ce caractère obligatoire, en rupture avec le volontariat qui est à la base de l’engagement de nos militants, pourrait nuire à l’originalité et la richesse de notre fédération. Nous risquerions alors de perdre en « qualité » ce que nous gagnerions en « quantité ».
Cette préconisation renvoie également à la sempiternelle question de la reconnaissance et de la valorisation, par l’Éducation nationale, de l’engagement des enseignants auprès de l’Usep. C’est pourquoi, de façon conjointe avec la Ligue de l’enseignement, l’Usep a fait au ministère des propositions visant à se donner les moyens de créer des associations Usep dans écoles où il n’y en a pas.
Un relais local et des formations
Il est nécessaire pour cela de s’appuyer sur des référents sport scolaire. Ceux-ci joueraient un rôle de relais sur un territoire correspondant au bassin de population d’un collège, en s’inspirant des secteurs Usep déjà existants. La mission de ces enseignants et militants Usep consisterait à mettre en place et coordonner dans chaque école de son secteur un projet associatif-sportif, à superviser la continuité éducative avec le collège et à articuler la pratique Usep (en temps et hors temps scolaire) avec les parcours « santé » et « citoyenneté » des élèves.
On soulignera que les auteurs du rapport préconisent une indemnisation des enseignants animateurs Usep sous forme de rémunération supplémentaire. Or pour permettre à ces référents de mener à bien leur mission, il convient de leur accorder soit un crédit temps, soit une indemnisation.
La création d’une association Usep dans son école pose aussi la question de la formation des enseignants. Oui, la mise en place d’une AS Usep est une plus-value pédagogique ! Oui, celle-ci peut contribuer à améliorer le climat scolaire ! Encore faut-il que les enseignants s’approprient au préalable la démarche de projet qui s’appuie sur une pratique sportive et associative consistant à impliquer les enfants, à leur donner des responsabilités et à développer leur esprit critique…
Concernant la formation, l’Usep a aussi proposé au ministère d’étoffer son offre de formation à distance via les outils numériques en créant un « m@gistère Usep » sur le modèle de ceux déjà existant : proposition acceptée, reste à la mettre en œuvre.
Enfin, le rapport propose que, dans le cadre de son partenariat avec les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Éspé), l’Usep contribue au référentiel de compétences des professeurs des écoles stagiaires : polyvalence de l’enseignant, ouverture de l’école aux acteurs de la communauté éducative…
Transformer l’essai
L’Usep souscrit donc au constat dressé par Régis Juanico et Pascal Deguilhem et se retrouve dans leurs préconisations concernant l’école. Et, pour peu qu’on lui en donne les moyens, l’Usep a les capacités de répondre aux problématiques soulevées par leur rapport.
Ce rapport témoigne également de la prise de conscience de l’urgente nécessité de renforcer la pratique sportive chez les jeunes. En cela, il offre l’occasion à l’Usep de mieux faire connaître un savoir-faire qui réside dans sa complémentarité avec l’EPS, son rôle de passerelle avec le monde sportif et sa capacité à articuler pratique sportive et éducation à la citoyenneté.
Ce rapport nous ouvre des perspectives de développement en confortant l’idée que l’association Usep est légitime dans chaque école. Reste encore à obtenir la reconnaissance institutionnelle de l’engagement militant des enseignants pour le sport scolaire des écoles primaires.
Véronique Moreira, présidente de l’Usep
Vigilance. « Si l’Usep appuie la plupart des préconisations du rapport, elle sera vigilante concernant deux d’entre elles. La première propose de créer une licence sport scolaire CM2-6ème : oui, mais menons d’abord travail de concertation pour identifier les leviers favorables à la continuité et précisons la place respective des deux fédérations scolaire, Usep et UNSS, avant de créer l’outil technique venant en appui de cette liaison école-collège. Quant à la deuxième préconisation, qui prévoit l’échange de fichiers de licenciés entre toutes les fédérations, l’Usep y est plus que réticente pour des raisons d’éthique. En outre, nous ne croyons pas qu’une telle mesure soit réellement de nature à favoriser la pratique sportive en club. »
Des échanges pour aller plus loin Un recteur en mission complémentaire