« Faire équipe », « jouer collectif », « se montrer solidaire »… Le vocabulaire sportif ne manque pas d’expressions pour caractériser l’invitation faite à l’Usep et à l’UNSS de travailler ensemble pour que le plus grand nombre d’enfants puissent avoir une activité sportive dans le cadre scolaire.
L’Usep et l’UNSS sont toutefois davantage des partenaires de jeu que des coéquipières. Deux fédérations sportives scolaires, certes, mais qui jusqu’alors avaient plutôt l’habitude de courir chacune dans son couloir : école pour l’une, collège-lycée pour l’autre, avec comme passage de relai des cross départementaux parfois organisés conjointement. Jusqu’à la récente instauration, sur l’autel de la continuité éducative, du nouveau « cycle 3 », élargi à la classe de 6e (1).
De timides coopérations
Créée il y a huit ans, la Journée nationale du sport scolaire a favorisé un premier rapprochement. Comme mentionné dans le Bulletin officiel de l’Éducation nationale, comités Usep et directions départementales de l’UNSS sont invités par le rectorat à y offrir un visage commun du sport scolaire, en particulier lors des rencontres phares départementales.
Mais, au-delà de ce rendez-vous emblématique du mois de septembre, la réalité de la liaison CM2-6e sur le terrain du sport scolaire se limite à quelques initiatives isolées. « En Seine-Saint-Denis ou dans la Sarthe, des coopérations existent, parfois au niveau des associations, avec la signature de mini-conventions permettant de régler la question de l’assurance » relève Benoît Lasnier, directeur national de l’Usep.
Différence de statut
Le principal obstacle à des collaborations plus étroites et plus fréquentes réside dans la différence de statut entre les deux fédérations, l’une étant un service de l’État, l’autre une association issue d’un mouvement d’éducation populaire, la Ligue de l’enseignement. Une différence qui se traduit très concrètement sur le terrain.
« Il n’est pas aisé de mettre en face des enseignants rémunérés, animant l’AS du collège sur leur temps de travail, et des bénévoles. En outre, toutes les associations UNSS ont un rendez-vous fixé au mercredi après-midi (2), tandis que les rencontres Usep n’ont pas un rythme aussi régulier », relève Benoît Lasnier, directeur national de l’Usep et… professeur agrégé d’EPS. Sans parler du fait que l’Usep, qui fonctionne sur le volontariat, n’est pas présente dans chaque école (lire page suivante).
Enfin, l’instauration du mercredi matin travaillé à l’école – aujourd’hui remis en cause – n’a pas facilité les choses. La réforme des rythmes s’est en effet traduite en maint endroit par un redéploiement des rencontres Usep hors temps scolaire, traditionnellement organisées le mercredi, vers le temps scolaire.
Bientôt une convention ?
Il existe aujourd’hui un projet de convention visant à permettre aux initiatives locales de se développer dans un cadre non pas « restrictif » mais « précisé ». Ce qui, vu de l’Usep, signifie notamment une chose : « Il n’est pas question de renier l’esprit Usep en faisant de l’UNSS en CM2, insiste Benoît Lasnier, qui précise : l’ADN de l’UNSS reste la compétition, sur le modèle fédéral, même si le sport scolaire s’ouvre depuis quelques années à des disciplines non compétitives. L’Usep offre une découverte sportive adaptée à chaque enfant et insiste davantage sur la coopération, avec une dimension de vie associative à laquelle nous sommes très attachés. »
Cette vie associative est en effet plus réduite à l’UNSS. Même si un virage a été pris depuis dix ans, elle s’avère plus difficile à mettre en œuvre pour les professeurs d’EPS que les professeurs des écoles, qui depuis longtemps en ont fait un outil très concret d’éducation à la citoyenneté. C’est néanmoins un objectif qui peut réunir les deux fédérations dans une démarche commune.
Une autre difficulté tient au fait que l’Usep, dont l’action repose sur le bénévolat de ses animateurs, n’est pas présente dans toute les écoles. Certains ont avancé l’idée que l’UNSS puisse y suppléer l’Usep pour les enfants de CM2, s’attirant aussitôt une fin de non-recevoir. « L’objectif de cette convention doit être de faire converger nos deux projets pour que davantage d’enfants fassent du sport scolaire, mais en aucun cas de dire à l’UNSS : si nous ne sommes pas là, licenciez les enfants ! L’idée est plutôt de trouver ensemble les moyens de développer l’Usep dans les écoles où elle n’est pas aujourd’hui présente », explique Benoît Lasnier.
Autre idée visiblement morte née, celle d’offrir la licence UNSS aux élèves de 6e licenciés l’année précédente à l’Usep. Au-delà même du coût d’une telle mesure, celle-ci pose la question de l’inégalité de traitement entre élèves. Mais on en comprend l’esprit : favoriser la continuité des pratiques, pour éviter toute déperdition de l’école au collège.
Paris 2024, dynamique commune ?
L’organisation des Jeux olympiques à Paris en 2024 aidera peut-être au rapprochement des deux fédérations du premier et du second degré, en faisant du sport scolaire l’un des leviers du développement de la pratique physique et sportive en France. Le ministère de l’Éducation nationale, tutelle des deux fédérations, souhaite en effet participer activement à cette dynamique aux côtés du ministère des Sports et du Comité national olympique et sportif français.
Philippe Brenot
(1) Une mini-révolution pour l’Usep, dont les activités étaient jusqu’alors structurées entre cycle 1 (petite et moyenne section de maternelle), cycle 2 (GS, CP, CE1) et cycle 3 (CE2-CM1-CM2), celui des « grands », bénéficiant historiquement d’un plus grand nombre de rencontres et d’un éventail de pratiques plus diversifié.
(2) Ce qui n’exclut pas l’existence de temps de pratique en collège sur les temps du midi, sous forme d’entraînement ou de pratique loisir.
L'Usep, fédération sportive scolaire de la Ligue de l'enseignement