Le scrutin était uninominal et étayé par des professions de foi personnelles, mais ce sont bien sinon deux projets, du moins deux visions de l’Usep qui se confrontaient, les 16 et 17 avril, à l’assemblée générale élective d’Arras (Pas-de-Calais). Deux visions précisées quelques semaines plus tôt dans deux interviews accordés au site d’information www.touteduc.fr
La première « tendance » était incarnée par Jean-Michel Sautreau, président de l’Usep depuis 2004, et se situait dans le prolongement du « projet sportif et éducatif » défendu en 2012 à l’AG de Blois. La seconde l’était par Véronique Moreira, vice-présidente chargée de la formation, élue il y a quatre ans autour de ce même projet mais appelant de ses vœux une « nouvelle gouvernance » et critiquant un exercice trop personnel du pouvoir. Véronique Moreira se distinguait aussi en souhaitant associer plus étroitement le sportif et l’associatif sur les rencontres Usep.
Des propos clivants
Dans un contexte financier délicat – un déficit de 150 000 € pour l’exercice 2015, notamment lié à une baisse de 4 % du nombre des licenciés enfants –, l’un et l’autre divergeaient également sur les économies à réaliser, en particulier sur la masse salariale. Jean-Michel Sautreau proposait de supprimer deux postes de détachés de l’Éducation nationale parmi l’équipe de direction, sans cacher sa volonté de profondément bouleverser celle-ci. Véronique Moreira souhaitait ne supprimer qu’un poste et invitait à une meilleure collaboration avec les cadres nationaux, dans une démarche « participative » valant aussi pour les relations avec les comités départementaux et régionaux et les associations.
Le complément oral au rapport moral, traditionnellement prononcé par le président en exercice, était donc particulièrement attendu. Il dura plus d’une heure et débuta par un plaidoyer pour l’action menée durant l’année écoulée, et plus largement depuis quatre ans, sans taire les difficultés dues au contexte et plus particulièrement à la réforme des rythmes scolaires. Un plaidoyer argumenté, écouté par une salle réceptive. Puis le ton changea et le propos se fit très vif, voire accusateur : Jean-Michel Sautreau ne masquait plus sa défiance, tant à l’encontre de l’équipe de direction nationale que de la liste « dissidente » et de ceux qui la composaient. L’auditoire, cette fois, se raidit. Jean-Michel Sautreau eut beau égrener pour finir les sept points de son futur projet de mandature, la salle avait probablement déjà décidé que ce ne serait pas le sien.
La sanction des urnes
Parmi les quelques prises de parole qui suivirent, dans une ambiance lourde (1), celle du président du comité de l’Ain, Gilles Bailly, fut significative. Bien qu’initialement mandaté pour approuver le rapport moral, il expliqua se tourner vers un vote d’abstention, « gêné » par des propos qu’il ne pouvait cautionner.
Cela fit-il pencher la balance ? Toujours est-il que, lors du vote électronique effectué en milieu d’après-midi, le rapport moral fut repoussé : 49,23 % pour, 50,77 % contre, et un nombre inhabituel de bulletins blancs. Aussitôt, il était décidé de passer sans plus tarder à l’élection du nouveau comité directeur. Véronique Moreira fut la mieux élue du collège femmes, avec 73,50 % des voix. De son côté, Jean-Michel Sautreau ne recueillit que 44,01 % des suffrages au premier tour, puis fut devancé au second, pour l’unique siège restant à attribuer (2).
Le nouveau comité directeur se réunit alors pour proposer à l’assemblée générale d’élire Véronique Moreira comme présidente pour la mandature 2016-2020. Elle obtint 83,93 % des suffrages exprimés. Pour sa part, Jean-Michel Sautreau avait déjà quitté l’assemblée générale lorsque, à l'invitation de la nouvelle présidente, l’assistance se leva pour l'applaudir, au regard de l'action accomplie. Peu avant, l’assemblée avait adopté comme de simples formalités le rapport financier (71,06%) et les dispositions statutaires obligatoires des comités régionaux Usep (94,10%).
Rendez-vous à Mende
Le lendemain dimanche 17 avril, dans un amphithéâtre de l’hôtel Mercure ayant retrouvé une atmosphère plus apaisée, les tarifs statutaires furent adoptés à leur tour (67,97%), ainsi que le budget 2016, entre-temps remanié selon les orientations souhaitées par la nouvelle équipe (74,81%). Après la remise du prix Francis-Dupont à trois écoles du Pas-de-Calais engagées dans un échange franco-allemand (3), puis une intervention d’Hélène Grimbelle, secrétaire nationale de la Ligue de l’enseignement, la nouvelle présidente clôtura cette assemblée générale appelée à rester dans les mémoires.
Rendez-vous à présent en avril 2017 à Mende (Lozère), pour un premier point d’étape de la mise en œuvre du projet et de cette gouvernance que Véronique Moreira souhaite « rénover ».
Philippe Brenot
(1) Entre temps, dans un complément au rapport d’activité réduit à sa plus simple expression, le directeur national, Benoît Lasnier, avait répété par trois fois « L’équipe nationale a fait front », avant que le trésorier ne présente le rapport financier.
(2) N’obtenant que 23,38 %, contre 28,11 % pour Jacques Giffard alors que sept candidats restaient en lice.
(3) Initialement prévue le dimanche matin, la remise des médailles de remerciement aux élus nationaux ne se représentant pas (Pascale Bauguil, Georges Bouët, Guy Delhemme et Dominique Gabarroche), et des médailles d’honneur à Madeleine Meunier et Jean-Louis Droin, fut finalement avancée au samedi et prit place avant l’élection du nouveau comité directeur.