Usep en jeu - 2 : Février 2016

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Invitee-V-Debuchy-Art-1.jpg Valérie Debuchy, novembre 2015. (DR)

Doyenne du groupe EPS à l’IGEN

Agrégée d’EPS, Valérie Debuchy, 52 ans, est doyenne du groupe EPS de l’Inspection générale de l’Éducation nationale (IGEN). Ce corps placé sous l’autorité directe du ministre est organisé en 14 groupes disciplinaires et assure une mission de contrôle, d'étude, d'information, de conseil et d'évaluation. D’avril 2011 à mars 2012, Valérie Debuchy a par ailleurs été conseillère chargée de l’enseignement du premier degré, des rythmes scolaires, de la santé, du handicap et de l’enseignement privé auprès du ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel.

Et les temps d’activité périscolaire ?

« Je ne m’explique pas pourquoi les municipalités, qui peinaient à trouver des intervenants compétents, n’ont pas davantage fait appel à l’Usep. Car on voit bien que la qualité des activités sportives proposées dans le cadre des temps d’activité périscolaire (Tap) n’est pas comparable à celle des activités proposées par l’Usep. Il y a là un champ à investir, et il m’apparaît anormal que l’Usep ne soit pas davantage sollicitée pour intervenir dans le cadre des Tap. »

Retour En avant

Entre la refondation et les nouveaux programmes

Valérie Debuchy, où en est l’EPS à l'école ?

Doyenne du groupe EPS au sein de l’inspection générale de l’Éducation nationale, Valérie Debuchy revient sur les nouveaux programmes d’EPS. Et s’alerte des effets de la refondation de l’école sur la pratique en classe et sur le sport scolaire Usep.

Valérie Debuchy, les nouveaux programmes d’EPS sont effectifs depuis septembre à l’école maternelle et s’appliqueront à la rentrée en élémentaire : en quoi différent-ils des précédents ?


La nouveauté est qu’ils s’inscrivent dans une logique « curriculaire » (1) : on se place du point de vue de l’élève qui apprend, engagé dans un parcours d’apprentissage sur neuf années – douze en comptant la maternelle. Le conseil supérieur des programmes et les groupes d’experts qui ont élaboré ces programmes ont également défini des attendus de fin de cycle (2, 3, 4). Concernant plus précisément l’éducation physique et sportive, un préambule commun à ces trois cycles en rappelle la finalité et précise les cinq compétences générales que les élèves doivent acquérir. Celles-ci sont identiques pour les cycles 2, 3 et 4 et directement liées à chaque domaine du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Ainsi la compétence générale 1 se rapporte prioritairement au domaine 1 du socle autour des langages, la compétence générale 2 se rapporte au domaine 2 ayant trait aux méthodes et outils pour apprendre, etc.


Ce n’est pas non plus une révolution…


Bien sûr, l’EPS n’a pas attendu ces nouveaux programmes pour s’intéresser à l’ensemble des apprentissages que l’on souhaite développer chez les élèves. Outre les compétences motrices, spécifiques à son champ propre, l’éducation physique et sportive met en jeu des compétences méthodologiques et sociales. Néanmoins, ces nouveaux programmes constituent une passerelle plus évidente entre les apprentissages (spécifiques, méthodologiques, sociaux) et les objectifs poursuivis par l’EPS, en lien direct avec les différents domaines du socle commun. La contribution de l’EPS à l’acquisition du socle par tous les élèves est ainsi affirmée et beaucoup plus lisible.


Que va changer la création d’un nouveau cycle CM1-CM2-6e, à cheval sur l’école et le collège ?


C’est le défi majeur de la refondation de l’école : en finir avec cette rupture entre le CM2 et la 6e. Nous avions d’un côté l’école élémentaire, avec des professeurs des écoles généralistes possédant une histoire et un statut qui leur sont propres, et de l’autre le collège, où les enfants passaient entre les mains de « spécialistes », avec des professeurs issus de la filière Staps et n’enseignant que l’EPS. La refondation de l’école va contraindre des enseignants de statuts différents, qui jusque-là pouvaient s’ignorer, à travailler ensemble.


N’est-ce pas un vœu pieux ?


En effet, cette liaison ne doit pas rester purement théorique : le décret qui institutionnalise le conseil école-collège est paru depuis un an sans la rendre encore très visible. Je rappelle qu’il s’agit de réunir tous les acteurs concernés plusieurs fois par an pour discuter des apprentissages des élèves durant ce cycle dit de « consolidation ». Les professeurs de collège accueillant des élèves en 6e vont devoir assurer la consolidation des acquisitions du CM1 et du CM2, en référence aux attendus de fin de cycle gravés dans le marbre des lois-programmes. Les documents concernant l’évaluation des élèves viennent d’ailleurs de paraître au Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 21 janvier : en fin de 6e, les professeurs de collège devront remplir un document bilan validant les acquisitions des élèves sur les trois années du cycle CM1-CM2-6e.


Les nouveaux programmes mettent l’accent sur les actions à mener en prolongement de l’EPS pour ouvrir l’école sur son environnement. Ils insistent aussi sur la transversalité et l’interdisciplinarité. Or on est là au cœur de la vocation de l’Usep : sera-t-il fait appel à elle ?


Nous attendons avec impatience des éléments plus précis sur le « parcours santé » de l’élève, mais aussi sur un « parcours sportif » censé contribuer aux compétences transversales, autour des valeurs éducatives et de citoyenneté visées à travers l’EPS et le sport scolaire, Usep et UNSS. Le livret scolaire de suivi des acquisitions prend d’ores et déjà en compte le parcours éducatif, artistique et culturel, ainsi que le parcours citoyen et le parcours avenir. Le parcours santé est en train d’être formalisé et, à terme, nous espérons qu’un parcours sportif le sera aussi. Ceci dit, il ne faudrait pas que les animateurs Usep se focalisent uniquement sur cette idée de parcours. En contribuant à la refondation de l’école et à la réussite des élèves, le sport scolaire s’inscrit naturellement dans l’acquisition des compétences du socle commun, dont les domaines, faut-il le rappeler, transcendent les champs disciplinaires…


L’Usep peut-elle espérer une meilleure reconnaissance de son action, alors même que les nouveaux rythmes scolaires la fragilisent, avec un repli du nombre de licenciés enfants et adultes ?


C’est vrai, la refondation et la mise en place des rythmes ont eu pour effet de désorganiser l’action de l’Usep et de ses associations : le président de l’Usep m’a récemment fait part de ses inquiétudes à ce sujet. Nous sommes également vigilants quant à « l’effectivité » de l’enseignement de l’EPS dans le premier degré. Je me dois de rappeler que le volume horaire obligatoire, dédié à l’EPS dans le premier degré, est de trois heures par semaine Or les animateurs Usep, parce qu’ils possèdent une vraie expertise, ont à mon sens un rôle de premier plan à jouer dans la mise en œuvre des nouveaux programmes, en aidant les professeurs des écoles à assurer ces trois heures d’EPS obligatoire dans les écoles.


Justement, les ambitions des nouveaux programmes se heurtent à une réalité cruelle : le temps de pratique effectif de l’EPS est en baisse, tout comme le nombre de rencontres sportives Usep. Comment inverser la tendance ?


J’avais évoqué les premiers effets de la réforme dans mon intervention devant les cadres de l’Usep réunis en avril 2015 à Houlgate. J’y pointais le risque de déséquilibre entre les différents domaines d’apprentissage. À force de mettre en avant le caractère essentiel des apprentissages fondamentaux, les professeurs des écoles ont mis l’accent sur les mathématiques et le français dans les emplois du temps, principalement au détriment de l’EPS et des sciences. À ce propos, on peut noter que la direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) signalait dès février 2015, dans son enquête sur les premiers effets de la réforme des rythmes, un risque de « relégation » de certains enseignements, notamment l’EPS, vers le périscolaire.


Que peut-on faire ?


Alerter la ministre de cette « double peine » pour les élèves de l’école élémentaire : baisse du volume horaire obligatoire de l’EPS et réduction du nombre de rencontres sportives scolaires, en raison de la préemption de la demi-journée du mercredi matin. Il n’est bien sûr pas question de revenir sur cette neuvième demi-journée ni sur l’intérêt de la réforme des rythmes scolaires. Mais ne peut-on faire en sorte que les activités Usep organisées jusqu’alors le mercredi matin soient redéployées sur l’après-midi ? Tout en sachant que c’est beaucoup demander aux professeurs des écoles, et même aux bénévoles de l’Usep, de prendre sur leur temps personnel pour offrir aux élèves une demi-journée de pratique.


Propos recueillis par Philippe Brenot


(1) « Passer des programmes disciplinaires au curriculum » : telle est la « réforme culturelle » qu’a souhaité impulser le Conseil supérieur des programmes. Une approche « curriculaire » que son président, Alain Boissinot, explicite en ces termes : « Depuis la loi d'orientation, la conception des programmes a évolué. Avant, on définissait les programmes comme des contenus d'enseignement en lien avec un cadre horaire. Aujourd'hui l'idée est de réfléchir, comme dans de nombreux pays, en terme de curriculum, ce qui suppose une approche plus globale. (…) Le curriculum, ce n'est pas que du contenu, mais une réflexion sur les compétences, l'évaluation, les outils numériques, la formation professionnelle. C'est une nouvelle approche, une nouvelle manière d'aborder les questions liés aux programmes. Plutôt que remplacer les programmes, procédure qui lasse les enseignants, on réfléchit à une nouvelle méthode pour les élaborer plus globalement et mieux les accompagner en terme de formation et d'outillage pédagogique. »

Doyenne du groupe EPS à l'IGEN Et les temps d'activité périscolaire ?

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